Certaines formes prédisposent notre psyché à un sentiment de sérénité. Si l’homme est le miroir (certes perfectible) de son Créateur, ses mensurations physiques correspondent nécessairement elles aussi à un ordre universel, à un « plan » reliant implicitement toutes les formes de la création. Notre corps pourrait donc servir de « plan cosmique » de référence… Mais quelles seraient ces mesures sacrées ?
Le corps dans un carré
« L'homme de vitruve » de Léonard de Vinci

Près de mille six cents ans après la rédaction des premiers textes d’architecture sacrée védique, le célèbre architecte romain Marcus Vitruve, rédigea une oeuvre déterminante sur l’harmonie des proportions : « De Architectura». Celle-ci influença profondément bien des artistes de la Renaissance, dont le célèbre Léonard de Vinci. En quête d’harmonie parfaite des formes, Vinci s’en inspira pour la rédaction de son « Traité de la peinture ».
Le célèbre architecte romain Vitruve souligne les trois qualités indispensables d’une oeuvre architecturale : venustas, utilitas et firmitas soit sa beauté (Sattva), son utilité (Rajas) et sa force pérenne (Tamas). Selon lui, l’architecture ne serait qu’une imitation de la Nature, une conception que l’on associera plus tard au classicisme, mais qui provient elle aussi du Vastu.
Vitruve poursuivait en disant « … que la Nature a distribué les mesures du corps humain comme ceci. Quatre doigts font une paume, et quatre paumes font un pied, six paumes font un coude : quatre coudes font la hauteur d’un homme. La longueur des bras étendus d’un homme est égale à sa hauteur. »
Il est vrai qu’un homme qui étire ses bras horizontalement s’inscrit dans un carré parfait : notre hauteur étant égale à notre largeur. Créées à l’image du corps des dieux, nos proportions physiques sont celles du carré.
Le chiffre « 4 » était donc la mesure de référence de l’architecture védique appliquée aussi bien aux maisons (essentiellement celles des Brahmânes) qu’aux et aux palais des gouvernants.


Le carré est le socle idéal pour les fondations d’une demeure Vastu.
Ainsi le plan de construction des habitations s’élabore toujours à partir d’une forme plus ou moins carrée à l’intérieur de laquelle se distribue les pièces à vivre.
Le « 4 » est hautement symbolique et fondateur pour les Indiens : les 4 recueils des Vedas, les 4 directions cardinales et semi-cardinales, les 4 castes de la société indienne traditionnelle (ou varnas), les 4 saisons, les 4 visages de Brahmã, les 4 fils de Vishwakarma (le dieu architecte), les 4 étapes de la vie (ou ashramas)…

Le carré, par ses 4 côtés égaux, est la forme Sattva par excellence. L’assise carrée pour une habitation offre un enracinement puissant dans la terre, source d’abondance matérielle et de stabilité. Si l’architecture invite suffisamment d’énergie spirituelle entre ses murs (grâce à un Prâna « sattvique »), le carré achèvera d’arrimer celle-ci durablement à la matière. Il organisera à l’intérieur une énergie inviolable favorisant la pérennité financière. Inscrire notre physique dans une maison bâtie sur le « 4 » met notre être en résonance avec les mensurations parfaites de notre corps… dont l’harmonie puise sa source dans l’ordre cosmique.

Préférons donc des formes de terrains sinon carrées, du moins régulières puisque cette forme stable, équilibrée et symétrique crée un accord parfait avec la Guna Sattva.
Évitons les terrains à la géométrie complexe (polygones irréguliers, triangles, trapèzes, losanges, etc.) surtout lorsqu’ils s’étendent dans une direction « tamasique ».
Nous avons besoin d’un enracinement solide pour nous épanouir, rayonner, grandir. Dans les arts martiaux, la stabilité du corps passe par celle de l’énergie vitale. Celle-ci s’établit à partir d’un centre où tout converge : le centre du hara (situé sous le nombril). Dans la maison, c’est en son cœur que conflue le Prâna.
Dès l’instant où son architecture irrégulière nous fait perdre la perception d’ensemble de notre habitation, notre psyché paie le prix de ce sentiment de cohésion perdu. Il en résulte souvent une sensation d’insécurité, d’incertitude…
Seuls le carré, le rectangle (d’environ une longueur pour deux largeurs) et certains polygones offrent des formes saines et porteuses de sérénité pour la famille.
La terre est un être vivant qui abrite une infinité de créatures et de formes organiques. L’homme en étant le dernier maillon de la création, il lui revient de réaliser des œuvres conformes aux lois de la Nature qui l’accueille, afin de ne point briser l’harmonie de ce ballet d’énergies présentes avant lui.